Mauvaise conduite, retrait de réductions de peines et procès équitable

Dans cette affaire, l’intéressé a demandé au Conseil d’État de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité, que la Haute juridiction a refusé de transmettre.

L’intéressé dénonçait le risque d’interprétation fluctuante de la notion de “mauvaise conduite” mentionnée tant à l’article 721 qu’aux articles D 115-7 à D 115-12 du Code de procédure pénale.

L’article 721 prévoit qu’en cas de mauvaise conduite du condamné en détention, le Juge d’application des peines peut être saisi par le chef d’établissement ou sur réquisitions du procureur de la République, aux fins de retrait de réductions de peines.

Le signalement d’une mauvaise conduite peut donc avoir une incidence sur la durée de la peine effectuée.

Or, d’une part cette notion n’est pas définie, d’autre part le JAP prend sa décision sans débat contradictoire.

Pour le Conseil d’État :

  • Les détenus sont informés du risque de retrait en cas de mauvaise conduite via le règlement intérieur type, fixé par décret de 2013. Or, le Conseil d’Etat, en présentant ce règlement comme la norme de référence opposable à l’ensemble de la population pénale affaiblit sa motivation dès lors que, dans la pratique, on constate que chaque chef d’établissement dispose d’une interprétation personnelle de la « mauvaise conduite », et que le sens donné à cette notion n’est pas prévisible. Surtout, selon le Conseil Constitutionnel, il appartient au législateur de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux personnes détenues (n° 2014-393 QPC, du 25 avril 2014) ;
  • Plus important : dans le même arrêt, le Conseil d’Etat admet que pareil retrait relève de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme ce qui nous laisse supposer une possible applicabilité de l’article 6 de la même Convention et donc de la nécessité d’un débat contradictoire.On note donc, au détour de l’arrêt du Conseil d’Etat, une évolution positive qui laisse espérer une mise en conformité avec la jurisprudence de la CEDH (28 juin 1984, n° 7819/77, Campbell et Fell). Le Conseil Constitutionnel avait affirmé dans une décision du 11 juillet 2014 que cette mesure n’était ni une peine ni une sanction ayant le caractère d’une punition et ne pouvait être entourée des garanties du procès équitable.

Il est à noter que dans un arrêt du 15 avril 2015 (n° 14-80417), la Cour de Cassation a réaffirmé sa position antérieure, s’appuyant sur les mêmes arguments que ceux développés par le Conseil d’Etat et rejetant ainsi l’argument tiré de la violation de l’article 6 de la CEDH.

Il va sans dire que cela revient à faire l’impasse sur le problème que pose l’absence de comparution du détenu devant le JAP et devant la CHAP, alors que le ministère public et les chefs d’établissement sont entendus ( articles 712-5 et 712-12 du CPP).

Source : CE 18 février 2015, n° 375765 – articles R. 57-6-18, 721, D 115-7 et D 115-12 du Code de procédure pénale